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18 mars 2009

Mémoire du Silence

Référence : 417.20                                                                                                                                                             6.03.2009

« Guatemala, Mémoire du Silence » : 10 ans plus tard

En 1997, un an après la signature des accords de paix, était créée au Guatemala une commission de vérité, la Comisión para el Esclarecimiento Histórico (CEH). Deux ans plus tard, en février 1999, la commission publiait un rapport intitulé “Guatemala, Memoria del Silencio”. A l’occasion du dixième anniversaire de la publication dudit document, un cycle de conférences et autres activités a été organisé conjointement par el Programa Nacional de Resarcimiento (PNR), Impunity Watch, le gouvernement guatémaltèque et la Comisión Presidencial de Derechos Humanos (COPREDEH) entre le 24 et le 27 février 2009.

Voici un aperçu des tables rondes auxquelles la soussignée a assisté.

Comisiones de la verdad y su impacto

Ana Isabel González (CEH à Escuintla, ex-MINUGUA, d’origine argentine)

Carlos Rozanski (juge argentin)

Padre Ricardo Falla (sacerdote jésuite et docteur en anthropologie)

Au cours de la première conférence, l’accent a particulièrement été mis sur les condamnations judiciaires envers les responsables des horreurs commises durant les conflits armés qui ont sinistrés tant l’Argentine (deux des intervenants étant argentins) que le Guatemala. Effectivement, aux yeux d’Ana Isabel Gónzalez, la lutte pour la condamnation des responsables est une demande essentielle et saine car elle n’est pas motivée par un désir de vengeance mais de justice. Or, c’est l’absence de condamnation du passé qui permet l’impunité dans le présent.

Au Guatemala comme dans l’écrasante majorité des pays d’Amérique Latine, le même schéma s’est reproduit. A l’indépendance, dans tous les pays, on constate de très importantes inégalités. Avec les premiers gouvernements démocratiques viennent les premières tentatives de démocratisation de la société avec, entre autres, la mise en place de réformes agraires et de justice sociale. Seulement, ces manœuvres ne sont pas du goût des élites qui contrôlaient jusqu’alors l’économique interne. De connivence avec les Etats-Unis et leur peur viscérale de la subversion communiste, elles appuieront les multiples coups d’Etats militaires à travers l’Amérique Latine. Ainsi, dès 1946 et la création de la Escuela de las Americas, va se propager la doctrine de sécurité nationale qui se caractérise par la criminalisation des syndicats, les partis de gauche, des églises qui s’opposent aux gouvernements militaires ainsi que les différents mouvements et organisations actifs dans le domaine de la justice sociale. En somme, quiconque osait articuler la moindre revendication sociale se voyait traiter d’ennemi interne, de danger pour la patrie et risquait sa vie. La doctrine de sécurité nationale a permis à grand nombre de dictateurs à travers l’Amérique Latine de justifier les pires atrocités commises envers la population.

Dès lors, pour tenter de panser les blessures des proches des victimes, une fois la démocratie rétablie, quasiment tous les pays ont procédé à une sorte d’introspection, soit les commissions de la vérité qui ont enquêté sur les événements de la période la plus sombre de leur pays. La première vit le jour en Bolivie en 1982 sous le nom de Commission Nationale des Disparus. Puis l’Argentine créa la sienne en 1984 et publia à la suite de l’enquête un rapport pour rendre accessible au grand public les conclusions de celle-ci. Enfin, dans le cas qui nous intéresse, 1997 fut l’année de naissance de la CEH, Comisión por el Esclarecimiento Histórico, qui aboutit en 1999 à la publication du rapport « Guatemala : Mémoire du Silence ». Le rôle principal de ces commissions, qu’il s’agisse de la commission argentine ou de la CEH guatémaltèque, est de garder la mémoire vivante, d’obliger les gouvernants à affronter le lourd passé du pays afin qu’ils ne puissent jamais nier les tragiques événements qui se sont déroulés.

Au Guatemala le Programa Nacional de Resarcimiento ( PNR) procède à un dédommagement des victimes du conflit armé interne. Seulement, comme le précise Père Ricardo Falla, bien que la mise en place de ce programme démontre une preuve de bonne volonté, ce système n’est pas satisfaisant. En effet, pour toucher la somme d’argent qui pourrait leur revenir de par le programme, chaque personne doit remettre un nombre de papiers impressionnants : certificat de naissance de la victime, certificat de décès, certificat de mariage, etc. Or il se trouve que dans bon nombre de cas, ces papiers ne sont tout bonnement et simplement pas disponibles, ceux-ci ayant été brûlés ou alors n’ayant jamais été émis. En somme, la démarche est extrêmement lourde, lente et bureaucratique, d’autant plus qu’il peut être compliqué de démontrer le lien de parenté du demandeur avec la victime. Cela décourage donc un certain nombre de personnes à entreprendre la démarche ou alors de la poursuivre. Au-delà, un problème demeure : quid des familles des disparus ? Bien que le PNR ait contribué à l’exhumation de certains corps, l’écrasante majorité des familles n’a pas en sa possession une attestation de décès. De même, les nombreux guatémaltèques qui ont fui vers le Mexique durant la guerre sont dans l’impossibilité d’entreprendre les démarches depuis l’autre côté de la frontière. Et puis, bien qu’il avait été énoncé que le PNR procéderait aussi à des dédommagements collectifs, cela n’a encore jamais été constaté dans les faits.

Enfin, Père Ricardo Falla fit une proposition qui me semble très intéressante quant au devoir de mémoire : protéger les lieux où ont eu lieu des massacres et leur accorder un statut de site historique, au même titre qu’on le ferait en découvrant une pyramide maya. En effet, reconnaître ce lieu c’est reconnaître ce qui s’y est passé et ceux qui y sont morts. Cela constituerait donc un symbole important contribuant au devoir de mémoire.

Selon le juge argentin Carlos Rozanski, pour parvenir à réellement panser les blessures, il faut l’implication et la responsabilisation des dirigeants. Il est ainsi nécessaire de briser la loi du silence et surtout de l’impunité. Rozanski rappela en effet, en reprenant les mots de Freud, que l’être humain est capable de commettre n’importe quel délit s’il est sûr d’échapper aux conséquences. Or il est évident que l’impunité est le principal problème guatémaltèque à l’heure actuelle quand on voit que, parmi les crimes les plus horribles commis dans le pays durant le conflit armé, personne n’a été condamné. Cela implique une violation des normes les plus hautes de la loi. Ainsi l’impunité s’est peu à peu naturalisée au Guatemala de par l’impotence des hautes instances gouvernementales.

De ce fait, selon le juge Rozanski, le fait que la publication du rapport de la CEH n’ait pas été assorti de mesures complémentaires, il n’a pas eu de réel impact sur la société et encore moins sur l’impunité.

Le juge argentin a présenté les quatre étapes qui, si elles sont respectées, permettent de lutter contre l’impunité. Comme vous allez pouvoir le constater, le Guatemala en est encore, plus de dix ans après la signature des accords de paix, au premier stade.

  1. Vérité. Il faut faire la lumière sur les exactions commises durant le conflit armé, reconnaître la responsabilité de tout un chacun. En dehors du rapport de la commission sur les disparus furent organisés en Argentine ce qui a été appelé « juicios por la verdad ». Il s’agissait de simulacres de jugements qui en fait servaient uniquement à exposer la vérité, les faits, parfois en citant même des témoins mais le but n’était pas de juger et personne n’a été condamné lors de ces juicios. Il s’agissait en quelque sorte d’une arène qui permettait l’exposition de la vérité, uniquement.

  2. Justice. Après avoir publié plusieurs rapports et fait la lumière sur les zones les plus sombres de l’histoire du pays, il faut passer à l’étape supérieure et entreprendre de vrais jugements cette fois-ci. Il faut une justice dynamique qui se propose de faire partie de la solution – et non du problème – et qui va procéder à des condamnations afin d’éviter que les crimes du passé demeurent impunis.

  3. Réparation. Cette étape est intimement liée à la précédente. Effectivement, la réparation ne peut et ne doit pas être exclusivement matérielle. Les familles des victimes ont besoin d’un accompagnement psychologique et il s’avère que la condamnation des bourreaux d’hier participe au processus de réparation. A ce propos, le juge Rozanski nous cita un exemple frappant. Lors de la condamnation de Echecolatz, chef de la police à Buenos Aires et bras droit du général Camps durant la dictature militaire, une femme dont la fille a été torturée et tuée sous la dictature a confié au juge qu’alors que pendant 30 ans elle avait senti constamment un poids sur sa poitrine, ce poids s’était envolé en entendant la sentence à l’encontre du terrible chef de la police. Pourtant, le cas de sa fille n’avait absolument rien à voir avec celui de Echecolatz et de ses victimes. Mais le simple fait de voir enfin l’un des responsables des multiples disparitions dans le pays être condamné à perpétuité permit à cette femme d’être soulagée.

  4. Mémoire. Si on ne pratique pas la mémoire, on perd une culture. A l’heure actuelle, au Guatemala, certaines études ont démontré que la plupart des jeunes ont très peu, voire pas du tout, de connaissances sur le conflit armé interne qui a ravagé le pays pendant plus de trois décennies. L’un des grands défis pour le pays à l’heure actuelle est un défi culturel lié à un devoir d’éducation envers ces jeunes pour qu’ils connaissent leur propre histoire et évitent de reproduire les mêmes horreurs que dans le passé.

En conclusion, Carlos Rozanski évoqua le fait que devant autant d’horreurs commises envers le peuple guatémaltèque, on ne peut pas appliquer la politique de l’autruche, il faut prendre position contre l’atrocité. Et il faut croire que quand une société qui a été autant meurtrie se relève, elle peut combattre l’impunité. Or cela est une réelle nécessité car la continuation de l’impunité est ce qui nourrit l’incroyable criminalité dans le pays. En définitive, si durant le conflit l’Etat a commis un génocide de facto, on peut dire qu’au jour d’aujourd’hui l’Etat guatémaltèque est génocidaire par omission car il ne constitue en aucun cas un Etat de droit.

Proceso de la verdad y justicia

Edgar Pérez (avocat de la Fondation Rigoberta Menchu, qui a conduit le cas Dos Erres, Rio Negro)

Helen Mack Chang (Fundación Myrna Mack)

Les témoignages de la seconde conférence dressent un panorama très sombre de la situation du pays au jour d’aujourd’hui. Lorsque Helen Mack prit la parole, c’est une femme à l’apparence épuisée et désillusionnée qui exprima sa fatigue de ne voir aucun changement prendre place au Guatemala et son sentiment de manque d’humanité de la société guatémaltèque.

Force est de constater que dix ans après la parution du rapport de la CEH, seule une infime partie de la population est au courant de ce qui s’est passé durant le conflit armé interne. L’Etat nie l’importance de « Mémoire du Silence » et ainsi, nie la vérité. Or tant qu’il n’y a pas de vérité, il n’y a pas de réparation. Il faut que l’Etat mette en place un programme de réparation efficace et dont le rôle n’est pas renégociable à chaque nouveau mandat présidentiel.

Comme le soulignait Helen Mack, quand on voit qu’il y a 100% d’impunité envers les femmes et plus de 90% d’impunité envers les hommes au Guatemala, on ne peut que constater que l’impunité gagne e impose ses propres règles faites de mensonges et de mépris envers la justice. Alors que les ONG tendent à s’épuiser au vu du peu de résultats obtenus au cours des années, on remarque que la CICIG commence à se heurter aux mêmes obstacles que la société civile. En somme, rien de bien réjouissant pour le futur.

Edgar Pérez, l’avocat de la partie civile dans le cas de Dos Erres, Río Negro, dénonce les faiblesses et les problèmes dans ce procès en particulier. Effectivement, certains se sont réjouis de la condamnation de deux « patrulleros civiles ». Cependant, quand on observe plus attentivement les faits, on se rend compte que l’affaire stagne depuis lors. C’est en somme comme si la partie civile devait se contenter de cette condamnation qui implique uniquement des subordonnés et devait donc renoncer à tout espoir de voir les véritables responsables du massacre jugés.

En avril 2003, la partie civile avait demandé qu’on lance une investigation contre un militaire de haut rang. Un mandat d’arrêt avait même été émis. Six ans se sont écoulés depuis et cet individu n’a toujours pas été appréhendé.

Bien entendu, la condamnation des deux patrouilleurs représente déjà une avancée, bien que minime et au prix de nombreux efforts. Il aura fallu pas moins de vingt-huit audiences pour parvenir à cette condamnation. Mais les véritables responsables n’ont pas été inquiétés jusqu’à maintenant et tant que l’impunité régnera en maître dans le pays, ils ne risquent rien. Le tribunal aurait même insinué qu’aux dires du ministère public, il faut se contenter de ces deux sentences car les deux patrouilleurs (indigènes) sont les véritables responsables et avaient la volonté de procéder à un génocide.

Un autre fait extrêmement choquant dans le cas de Dos Erres est que certaines personnes du PNR, ou du moins se faisant passer en tant que tel, ont assuré aux populations locales que pour toucher l’argent du programme, ils devaient renoncer aux poursuites judiciaires. Cela est d’autant plus scandaleux qu’il s’agit de populations vivant dans une extrême pauvreté ce qui les place devant un dilemme cornélien : continuer à se battre bien qu’il n’y ait rien de moins sûr que de voir les responsables terminer derrière les barreaux ou accéder au dédommagement financier du PNR? Le combat d’Edgar Pérez est maintenant de faire en sorte de démentir les dires de ces personnes (véritables employés du PNR ou imposteurs ?) afin que la lutte pour la vérité et la justice continue, comme toujours à contre-courant.

Comisiones de la verdad y reparación psicosocial

Carlos Martín Berstaín (Recuperación de la Memoria Historica – Proyecto Interdiocesano (REMHI), d’origine espagnole)

José Suasnavar (Fundación de Antropología Forense de Guatemala (FAFG)

Judith Erazo (chercheuse en psychologie sociale)

Lors de la conférence sur la réparation psychosociale, l’espagnol Carlos Beristaín fit une présentation extrêmement intéressante sur les différentes démarches qui doivent accompagner les victimes à la suite de la publication d’un rapport tel que celui de la CEH. Effectivement, cela ne sert à rien, ou plutôt à pas grand-chose, de publier uniquement un rapport, car il faut considérer les commissions pour la vérité comme un processus de reconstruction dans lequel la publication des résultats de l’enquête ne représente qu’une étape parmi d’autres.

A l’heure actuelle, beaucoup de voix s’élèvent pour dire qu’il est inutile d’adopter cette position de torticolis, soit de regarder continuellement en arrière ; qu’il ne faut pas toucher les blessures qui mettent déjà suffisamment de temps à cicatriser. Toute la subtilité réside donc dans le fait de toucher les blessures d’une manière constructive afin de les soigner. Il faut parvenir à pallier à ce déséquilibre qui fait qu’à l’heure actuelle, dans la société guatémaltèques les bourreaux peuvent se pavaner la tête haute pendant que les victimes doivent détourner le regard. En entretenant la mémoire, on peut parvenir à rééquilibrer ces forces pour que les victimes soient reconnues et n’aient pas à s’en cacher ou à culpabiliser.

Assimiler la mémoire est un processus long qui doit être soutenu dans le temps et qui nécessite aussi une action de la part du gouvernement qui peut y participer en organisant par exemple des événements d’ordre culturel. Or, il se trouve que dans le cas du Guatemala, le gouvernement n’entreprend pas la moindre démarche dans ce sens, et sans un soutien solide, l’assimilation de la mémoire n’est pas possible.

Le grand défi du travail de récupération de la mémoire est de lier le passé avec le présent, d’où la grande importance de mieux informer les jeunes et les enfants qui, comme certaines enquêtes l’ont démontré, sont très peu au courant des faits qui se sont déroulés durant les plusieurs décennies de conflit armé interne. Or il est primordial que cette couche de la population ait une meilleure perspective sur le passé.

Quand on parle d’entretenir la mémoire, il est important de penser aussi à une mémoire positive et qui n’implique pas seulement une victimisation. En effet, il est tout aussi intéressant de se souvenir des mécanismes de solidarité mis en place par la population que des massacres perpétrés.

Entretenir la mémoire implique obligatoirement de demander à certaines personnes de ressasser des souvenirs douloureux. Dès lors, il faut s’assurer de deux choses. Premièrement, il faut que la situation dans laquelle l’individu s’exprime soit conditionnée par des règles d’aller et retour, c’est-à-dire qu’il faut que la victime sache que cet ultime ressassement sert à quelque chose, qu’en témoignant il recevra en retour une reconnaissance et l’assurance d’une contribution d’importante. Deuxièmement, il est primordial que la personne soit accompagnée dans ce processus et qu’elle soit soutenue, afin d’éviter de retomber dans une seconde victimisation ou de se sentir stigmatisée.

Il est intéressant d’observer ce qui s’est passé dans d’autres pays et qui a permis d’assimiler ou de retrouver la mémoire. Si nous considérons le cas de l’Afrique du Sud, à la fin de l’apartheid, les populations noires ont peu à peu accédé aux hautes sphères du pouvoir, ce qui leur a permis de passer en position de force et donc d’imposer l’entretien de la mémoire. Au Guatemala, depuis la fin du conflit armé, les indigènes ont marginalement intégré ces sphères et ceux qui y sont parvenus ne se sont pas fait les porte-paroles de leur communauté.

Le cas du Chili présente une situation intéressante qui démontre comment la justice peut faire recouvrer la mémoire. Pendant longtemps les militaires prétendaient ne rien savoir des disparus. Puis Pinochet fut emprisonné à Londres et les langues se délièrent peu à peu : les militaires donnèrent des informations sur les disparus, les centres de détention clandestins, etc.

Le problème que pose à l’heure actuelle le procédé de réparation des victimes au Guatemala est qu’il est principalement – pour ne pas dire exclusivement – basé sur un dédommagement économique. Or le plus important est la dimension psychosociale. Il est important que le processus de réparation permette à la victime de retrouver sa dignité et cela n’est possible que si les responsables de ce processus de réparation ont une bonne compréhension de la culture de la victime. Il s’agit donc de combiner un ensemble de différentes mesures, aussi bien économiques que psychosociales.

José Suasnavar, de la FAFG, a bien mis en exergue l’importance des exhumations dans le processus d’assimilation de la mémoire. En procédant à celles-ci, on permet de faire réapparaître le disparu, de prouver que cette personne a bel et bien vécu, existé. Cela permet aussi d’identifier les raisons de sa mort et d’entreprendre un processus de dignification. Seulement on ne peut parler de dignité que quand autrui la reconnaît. Or, l’impunité et le désintérêt politique envers cette cause participent à nier la dignité des victimes.

Lors de cette conférence, Judith Erazo exposa les résultats d’une enquête menée auprès de la population afin d’observer ses opinions quant au conflit armé interne. L’élément le plus intéressant à relever concerne les exhumations. Effectivement, le discours des opposants à cette pratique au sein de l’Etat est qu’il ne faut pas toucher aux blessures qui tentent péniblement de cicatriser. Cependant, d’après le sondage, six personnes sur sept estiment que les exhumations représentent un élément positif et contribuent à fortifier la société. Parmi les personnes qui désapprouvent les exhumations, pas une seule n’évoqua le motif que cite l’Etat ! En général, les personnes qui ne soutiennent pas cette pratique le font plutôt pour motif religieux.

D’autres chiffres intéressant font état que 72,8% des sondés considèrent qu’il faut juger et condamner les responsables des massacres et des disparitions et seulement 8% pensent qu’il faut se résigner.

Búsqueda de desaparecidos

Bénédicte L’Eplattenier (Chef de délégation du CICR au Guatemala)

Marylena Bustamante (sœur d’un disparu, activiste des droits de l’homme et de la recherche de disparus au Guatemala)

Evelyn Blanco (activiste des droits de l’homme et de la recherche de disparus au Guatemala)

Au cours de cette dernière conférence, Bénédicte L’Eplattenier a constaté le fait qu’à travers le globe, les seuls pays dans lesquels de bons résultats ont été obtenus quant au problème des disparus sont ceux où l’on a assisté à un véritable investissement de la part de l’Etat. Bien entendu, il ne lui incombe pas à lui seul d’agir et les ONG ont aussi un rôle important à jouer. Au Guatemala il y a donc un réel besoin de créer une commission nationale de recherche des disparus. Malheureusement, comme le souligne Evelyn Blanco, un projet de loi (Ley 3590) mis sur pieds par six ONG attend depuis plus d’un an d’être approuvé au Congrès mais il est bloqué par le manque de volonté politique. Cela est d’autant plus triste que cette loi a jusqu’au 27 septembre 2009 pour être votée sans quoi elle passera aux oubliettes.

La problématique des disparus représente un vaste problème dans le pays. Le Guatemala serait le pays détenteur du triste record du nombre de disparus avec environ 45'000 cas. Comme l’explique Marylena Bustamante, sœur de Emil Bustamante disparu il y a plus de vingt ans, cette pratique des militaires a contribué à détruire le tissu social.

De nos jours, ce qui est très dur pour les familles de disparus est le fait qu’un grand nombre de personnes remettent en doute la raison de la disparition de ces individus. Ainsi, il n’est pas rare pour Marylena Bustamante d’entendre des remarques du genre « dans quelles combines s’était mises ton frère ? », ce qui, on peut aisément l’imaginer, ne fait qu’empirer la douleur des familles.

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En résumé, ce cycle de conférences a présenté quelques très bons exposés, entre autres de la part d’intervenants étrangers qui ont permis de jeter un nouvel éclairage sur la problématique guatémaltèque, alors qu’une grande partie des ONG locales ont tendance à quelque peu stagner. On peut par contre déplorer l’absence flagrante de représentants étrangers parmi l’assistance : on a tendance à voir toujours les mêmes personnes à toutes les conférences – en général, pas seulement à cette occasion – ce qui contribue à donner l’impression que l’on tourne en rond et qu’au final, ces événements s’adressent à un petit cercle fermé de convaincus. En définitive, les ONG guatémaltèques donnent vraiment l’image d’une société civile qui s’essouffle et qui ne parvient plus à progresser.

Stéphanie Eller

Stagiaire

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